cela fait longtemps que je suis éveillé
le ventre agacé il s’en passent des choses
je pense où je rêve de toute façon c’est pareil c’est
le cerveau qui fait des trucs

cela fait longtemps que je suis éveillé
demain 5h et quelques
toc toc toc
viens faire ton devoir
sujud t’incliner comme toute la création devant son Créateur
comme se couchent
les arbres obliquement
comme s’incline le soleil
et ses rayons aussi

muezzin premier bonjour
bonjour السلام عليكم

on ira en passant par la nouvelle route goudronnée
on sortira le scooter du hall d’immeuble en espérant que celui du voisin ne hurle pas
à notre passage comme un chien de garde qu’on réveille
on glissera les 96kg du Sym Orbit II dans le maigre interstice Farid passera devant moi
pour ouvrir la porte de fer
« Farid tu veux conduire ? allez vas-y conduit
– c’est bon je peux monter ? – oui. »
je m’installerai sur le scooter difficile d’écarter les jambes
avec le qamis mauve qui me donne l’air d’un taleb al-‘ilm

et le vrombissement colérique du scooter ses raclements de gorge
matinaux
il passera comme ça
                  comme ça                             comme ça                comme ça
comme ça                                                           comme ça
                                    comme ça

comme un serpent agile entre les trous de la route
Farid conduira je respirerai le grand air celui qui se tient à l’écart de la ville
dans son hésitation
je regarderai les collines beiges leurs aiguilles on
dirait des dos de hérisson
encore peintes de nuit
à l’extrémité de la ville à l’extrémité du monde
à cette extrémité où
les immeubles sont encore rares où l’horizon n’est
pas encore une dalle
où il y a seulement le chemin de fer
dans l’hésitation de la ville
au bout de son effort
j’aime la ville le matin

demain 5h
hier il pleurait
il pleurait au micro entre deux noms de Dieu
on ne le voyait pas. On l’entendait seulement et c’est Farid qui m’a dit très distinctement levant son visage vers le mien me regardant droit dans les yeux

« il pleure ».

Tout le quartier l’entendait pleurer ! pleurer de quoi ?
Ici pourtant un homme ça ne pleure pas où ça pleure en cachette
Quand c’est avec Dieu
dans son intimité

Il pleure en appelant tout le monde à prier.
Mais celui-là pleure en public
C’est l’éclat du nom de Dieu
qui le fait pleurer
C’est qu’il voit Son œil fixe
dans la pénombre du minbar

il a dû s’arrêter
en plein milieu
en plein
 ألله أكبر الله…”


que devaient-il se dire dehors
« pourquoi s’arrête-il de dire le nom de Dieu ? 
est-ce qu’il doute de sa grandeur ?
est-ce qu’il hésite ?
ou se désespère-t-il que l’on n’y réponde pas
est-ce qu’il pleure pour lui-même
ou pleure-t-il pour nous ?»


il pleurait ce soir j’ai pleuré aussi 
ils jetaient dehors des pétards futiles
c’est comme ça qu’on fête le mawlid
(quelle ironie dirait Zemmour)
tandis que lui pleurait
que je pleurais aussi

il pleuvait ce soir un peu à Tizi
c’était une journée triste on est allé manger
là-bas vers l’ancienne mosquée. Il n’y avait pas de couscous. Seulement la pomme boulangère.
la pomme boulangère
la pomme boulangère

dormir on fait ça
de temps en temps
mais pas là

on est passé sur l’avenue Farid ne voulait pas qu’on croise la police
c’est parce que je conduis sans permis
la moto bruyante
les villes et leurs lumières géométriques
les déviations

j’étais fatigué

c’est vague

Walid est à Médine, Rachid est à Tizi
comme toujours

demain ça sera différent
chaque jour c’est pareil
chaque jour c’est pareil on erre pareil
demain ça sera différent c’est toujours différent
on erre pareil mais c’est différent
c’est un autre jour que Dieu permet